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République & Laïcité

Analyses citoyennes de l'actualité autour des valeurs républicaines et laïques

Le front républicain... anti-républicain?

Le FN est arrivé en tête dans 6 régions, la question du front républicain revient dans le débat public.
Le FN est arrivé en tête dans 6 régions, la question du front républicain revient dans le débat public.

Dimanche dernier le Front National a marqué un grand coup, lors des élections régionales. En tête dans six régions, avec 28% de suffrages exprimés au niveau national, le FN n’a jamais été aussi proche de remporter une région, et de s’emparer du pouvoir. Or, et comme presque chaque élection à deux tours, de ces dernière années, la droite et la gauche réfléchissent au fameux « front républicain », qui consiste à se ranger d’un côté pour faire gagner le parti qui se présente face au FN. Mais ces dernières années, le front républicain est plus contesté, à droite comme à gauche. Est-il vraiment efficace ? Est-il justifié ?

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le front républicain n’est pas une invention si récente. En effet, c’est en 1956 que l’expression « front républicain » apparait pour la première fois. Le FN n’existait pas encore, et cela n’avait rien à voir avec le front républicain tel que l’on entend aujourd’hui. Il s’agissait d’une véritable alliance, de gouvernement, entre SFIO, Parti radical, l’UDSR de François Mitterrand, et le parti gaulliste de Chaban-Delmas, pour sauvegarder la IVe république face aux poujadistes et communistes. L’expression est ensuite réapparue, dans sa définition actuelle, lors des élections législatives partielles de Dreux et Marseille, alors que le PS a appelé à voter à droite, en se retirant, pour faire barrage au FN, parti alors jugé anti-républicain et dangereux pour la politique du pays.

Depuis, ce « front républicain » s’est généralisé, et ressort quasiment à chaque élection à deux tours lorsque le FN est en passe de remporter une élection. L’exemple le plus célèbre est le front républicain de 2002, quand tous les partis politiques s’étant présentés à la présidentielle, ont appelé à voter Jacques Chirac pour battre Jean-Marie Le Pen, qui avait créé la surprise et était présent au second tour. Ce fut une réussite puisque Chirac fut largement élu (avec plus de 80%).

Mais il ne remporte pas tout le temps le même succès, il est même aujourd’hui, de plus en plus contesté, que ce soit à gauche, et encore plus à droite avec la nouvelle stratégie du ni-ni (depuis 2011, qui consiste à ne voter ni FN, ni pour le parti en face du FN).

Le FN est-il non républicain ?

L’utilité annoncée du front républicain, est de s’opposer et éviter l’élection d’un candidat du Front National. Les partis traditionnels, tels que Les Républicains, ou le PS, considèrent le FN comme un parti anti-républicain. Mais en quoi, ce parti serait anti-républicain ? Est-il anti-républicain ? Techniquement, non, il ne l’est pas. En effet un parti républicain, est un parti qui est en faveur du régime actuel de République, ce qui est le cas, actuellement du FN, qui ne veut pas « renverser » le régime politique, et se déclare républicain (par exemple, comme il est coutume, Marine le Pen déclare « Vive la République » à chaque discours). Ensuite il s’agit aussi de coller aux valeurs de la république, que sont la liberté, l’égalité, la souveraineté, la fraternité, la démocratie ou encore la Laïcité. Là encore, dans son programme, il n’y a, à priori aucune entorse à ces valeurs. Bien entendu, cela reste subjectif, et c’est à chacun de se faire son avis.

Jean-Marie le Pen avait fait, à l’époque de sa présidence, des déclarations jugées racistes, et donc anti-républicaines. On peut dire qu’à cette époque, le FN n’était pas républicain. En revanche, depuis la prise en main du FN par Marine le Pen (en 2011), il y a une stratégie dite de dédiabolisation, avec une certaine reconduite de la ligne directrice du parti. Marine le Pen s’est notamment opposée aux déclarations de son père auparavant, jugés racistes et antisémites. Le parti a gagné en crédibilité et a aujourd’hui de plus en plus de soutien. Bien entendu, le FN est un parti à l’idéologie vaste, certains suivent la ligne du partie, d’autres s’en éloignent et peuvent être anti-républicains.

On peut dire, qu’aujourd’hui, d’un point de vue technique, que le FN n’a aucune contre-indication au fait d’être un parti républicain, d’ailleurs il serait interdit s’il ne l’était pas légalement. Bien sûr, c’est à chacun, c’est aux citoyens, de juger de la valeur du FN, et ils le font à travers le vote. Force est de constater que le FN est considéré comme républicain par un certain nombre de citoyen puisqu’il est aujourd’hui le premier parti de France en votes.

Un front républicain finalement paradoxal

Si le FN n’est pas si anti-républicain, le front républicain en lui-même n’est pas forcément légitime. En effet, à quoi servirait une alliance de partis républicains, opposés politiquement, pour faire battre un autre parti républicain ?

Lors de ces élections régionales, la question d’un front républicain ou non s’est posée dans quatre régions. En Nord Pas de Calais/ Picardie et en PACA, le FN arrive en tête avec plus de 40% suivi de l’Union de la Droite, environ autour de 25%. Dans ces deux cas, le PS, pourtant, qualifié pour le second tour, a décidé, de se retirer, et d’appeler à voter pour l’Union de la Droite, pour contrer le FN et faire élire les listes de la droite. Le fait de se retirer, est pourtant, totalement anti démocratique. En effet, en se retirant, le PS abandonne la possibilité d’être présent au conseil régional. Il n’y aura aucun conseiller PS au conseil régional pendant six ans, il n’y aura, dans tous les cas, que des conseillers de Droite et du FN. Le PS, abandonne donc ses électeurs, qui ont placé la confiance en cette liste de gauche, et qui se retire. Dans certains cas, les listes de droite et de gauche fusionnent. Là aussi, cela est anti-démocratique. Les électeurs, qui ont voté pour un parti, mais surtout pour des convictions, sont trahis puisque leur parti favori s’allie avec un parti politiquement opposé (et adhère donc à des convictions opposés à celles des électeurs).

Enfin, la consigne de faire front républicain, vient souvent du parti. C’est donc une consigne nationale pour des élections locales, il y a un problème de légitimité. C’est ce qu’a pensé Jean-Pierre Masseret, tête de liste PS en région Grand-Est, qui refusé de retirer sa liste et va défendre ses convictions au second tour lors d’une triangulaire, où Florian Phillipot, du FN part favori. Le parti lui a demandé (« ordonné » en fait) de retirer sa liste mais il a refusé, jugeant qu’il ne fallait « pas abandonner ses électeurs » et souhaitant aller « jusqu’au bout ». Conséquence directe de cet affront envers le parti, il a été exclu du PS, de nombreux co-listiers ont été poussés à se retirer par le parti, et il doit se présenter sans l’étiquette PS. Si cette décision de se retirer peut faciliter l’élection du FN, elle lui a également fait gagner en popularité et est même monté dans les sondages. Et s’il était élu contre toute attente ? Le front républicain perdrait encore un peu plus en crédibilité. Et même en cas de défaite, il pourra au moins, représenter ses convictions et celles de ces électeurs au conseil régional. Il a respecté le vote démocratique. Les citoyens ont voté, s’ils ont placé le FN en tête, soit, c’est leur décision. Le PS dans ce cas, tente en fait, de faire taire la démocratie. Si les citoyens souhaitent donner le pouvoir au FN, pourquoi s’y opposer ? Le FN sera légitime, il aura été élu démocratiquement. Il aura la possibilité d’exercer le pouvoir, et si c’est un échec, il devra répondre de ses actes comme tout autre parti.

Du côté de la droite, le front républicain « systématique » a été abandonné en 2011 avec la nouvelle stratégie du ni-ni, qui consiste à ne voter ni pour le FN, ni pour le parti adverse (souvent le PS). Cette stratégie implique aussi aucun retrait de liste, et aucune fusion avec les listes de gauche, pour faire barrage au FN.

Efficacité remise en cause

Jusque récemment, le front républicain était très efficace, notamment grâce au mode de scrutin qui le favorise (cela ne marcherait pas avec un système proportionnel). Les consignes de vote étaient la plupart du temps suivies. Cependant, depuis quelques années (et notamment la prise en main du parti par Marine le Pen), ce n’est plus forcément le cas. Malgré l’efficacité soudaine, puisque presque à chaque, fois le FN est battu lors de l’élection concernée, il est constaté que le FN en sort à chaque fois renforcé, et gagne en suffrages dès l’élection suivante. En fait le front républicain tend de plus en plus à confirmer les électeurs dans leur choix du FN. Il alimente aussi les discours et théories du FN selon lesquelles les partis traditionnels proposent la même chose (UMPS), et que le FN est seul contre tous.

En effet le front républicain en premier lieu renforce le sentiment que le FN est seul contre tous, et que l’UMP (devenu LR) et le PS, sont en fait très proches idéologiquement et politiquement et ne font pas bouger les choses. C’est en tout cas l’impression qu’ont de plus en plus de français électeurs. En fait, cela renforce l’idée d’un « système » avec la droite et gauche qui se distribue le pouvoir.

De plus, avec ces consignes de vote, certains électeurs ont l’impression d’être confondus avec des marionnettes. Il y a un effet « donneur de leçon », qui incite les électeurs mécontents, se sentant « bernés », à s’éloigner du vote traditionnel (droite ou gauche) et à se diriger vers la nouvelle possibilité qu’offre le FN. C’est aux citoyens de décider pour qui ils souhaitent voter, pas aux partis. Les citoyens se sentent parfois « agressés » qu’on critique leur vote, ou leur capacité à choisir leur vote.

En fait le front républicain se retourne contre la droite et la gauche et tend désormais, à renforcer le FN, qui était initialement la victime de ce « front ».

Les partis se trompent de problème

Le FN est considéré comme un problème par les partis traditionnels. Ils luttent donc, dans le discours notamment, contre ce problème qu’est le FN. Mais ces partis se trompent de problème. Il y a un problème de fond, au sein des partis. Au lieu de s’occuper du FN, ne devraient-ils pas régler les problèmes de leurs partis ? Parmi les trois partis désormais majoritaires, le FN est le seul à proposer un véritable changement, à oser, en bien ou en mal c’est à chacun de se faire un avis. La droite et la gauche se sont eux enfermés dans leur logique de continuer, malgré le fait que cela ne marche pas. Le discours n’est pas ou peu accompagné d’actes. Le chômage n’en finit pas d’augmenter, par exemple, malgré les promesses en l’air du gouvernement de gauche. C’est en fait logique que les électeurs cherchent des solutions ailleurs que dans les deux partis traditionnels. Au lieu de reprocher cela aux électeurs, les partis devraient retravailler leur politique. Au lieu de descendre le FN, ils devraient plutôt se vendre, travailler sur leurs programmes. Nous sommes actuellement dans une crise de confiance entre citoyens et politiques, et les partis politiques ne font rien pour rétablir cette confiance à force de s’obstiner à s’opposer au FN derrière un « front républicain », qui finalement, ne fait pas avancer les choses. Le FN augmente, mais les premiers fautifs ne sont pas les citoyens comme certains politiques disent, mais plutôt les partis politiques traditionnels eux-mêmes, qui alimentent les discours et programmes du FN avec leur « fautes » politiques.

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